EXCLUSIF : Un parachutiste américain raconte sa Libération de Draguignan

5 Août 2019 | Histoire, Libération de 1944

Une interview réalisée en 2004 par Richard STRAMBIO, alors Président de la Société d’Etudes Scientifiques et Archéologiques de la Ville de Draguignan

Traduction Alison LIBERSA  American Battle Monument Commission

Réalisation Jean Claude HONNORAT    Canal.D TV

Précieusement conservée par le Maire de Draguignan Richard Strambio qui l’avait enregistrée en août 2004 au Château de Valbourgès avec sa caméra personnelle, cette interview a été tournée en standard vidéo 720 x 480.

La Traduction a représenté un lourd travail, Alison LIBERSA devant déchiffrer un accent très prononcé de Joe Cicchinelli.

Confiée à CANAL.D, JC Honnorat a illustré ce récit de nombreuses photos et documents filmés de l’époque.

Les éléments de ce récit étaient connus, mais c’est la première fois qu’on les retrouve dans un entretien filmé, ponctué du regard tour à tour amusé, tragique ou silencieux de cet acteur historique inhumé depuis octobre 2014 au Cimetière National d’Arlington. Washington.

Joe CICCHINELLI était l’un des rares survivants du 551st PIB, posé le 15 août 1944 dans la plaine de La Motte, libérant Draguignan  puis Nice et le Nord des Alpes Maritimes. Durant l’hiver 1944-45, cette unité d’élite perdit 84% de ses effectifs dans le blocage de l’offensive allemande des Ardennes, avant d’être dissoute en 1946.

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BIOGRAPHIE :

Joseph Mario Cicchinelli est né un 27 aout 1923 à Beaver Falls en Pennsylvannie. Il est décédé le 10 octobre 2014 à l’âge de 91 ans. 
Comme son nom l’indique, Joe était de descendance italienne. Son père Mario avait émigré aux USA en 1909. De son premier mariage, Mario avait eu trois enfants. Il devait en avoir sept autres, dont Joe avec sa seconde épouse Philomena. Pour survivre durant la Grande Dépression, et avec un père au chômage, Joe commence à travailler dès l’âge de 7 ans, vendant des journaux dans la rue. C’est une époque rude, et le jeune Joe apprend très vite à se servir de ses poings pour se défendre. Dans les années trente, la famille déménage dans l’Ohio. Joe obtient son diplôme de fin de Lycée à la Washington High School en 1941. C’est à cette époque qu’il rencontre la femme de sa vie, Jean. Au lendemain de l’attaque japonaise sur Pearl Harbor, Joe est de ces centaines de milliers d’américains qui s’engagent dans les forces armées. Joe essaie d’entrer dans l’armée de l’air, mais il échoue aux tests d’aptitude, et entre dans l’infanterie. Il fait ses classes à Camp Wolters au Texas en juillet 42. C’est là qu’il se met sérieusement à la boxe. L’appât des 50 dollars supplémentaires de prime de risque le pousse à se porter volontaire pour une arme nouvelle, les paratroops. Il arrive à Fort Benning en septembre 42. Après une formation intense de 4 semaines, il effectue ses 5 sauts réglementaires et obtient ses wings (Brevet ailé). iI est versé dans un bataillon en cours de constitution, le 551st PIB en novembre 42, commandé par le Major Wood Joerg (West Point 1937) . Le 27 décembre 1942, les 450 hommes du bataillon embarquent sur le USS Joseph T. Dickman, à destination du canal de Panama. Le bataillon arrive à Fort Kobbe, et l’entrainement se poursuit sous la direction des cadres de la compagnie C du 501st PIB. C’est à Fort Kobbe que le bataillon forge ses deux surnoms, Nensjk pour No Eat, No Sleep Just Kill, et Goya pour Get Off Your Ass, ou Great Outstanding Young Americans, selon l’humeur de leur CO Wood Joerg, qui appelait ses hommes les Goya Birds. Joe appartient à la compagnie A. Le bataillon est en alerte au cas où les allemands décideraient d’armer les îles françaises de Guadeloupe et de Martinique. Un assaut aéroporté est ainsi planifié sur la Martinique en aout 43. Le saut est annulé, et le 20 aout 43, le 551st rentre aux USA, à Camp Mackall. Le 22 avril 1944, les 558 hommes du bataillon, en compagnie du 550th GIB embarquent sur le USS Mulholland et sur le Abraham Lincoln et rejoint Oran le 12 mai. Le 23 mai, les GOYAS débarquent à Naples. Ils rejoignent la Sicile en train, et installent un camp d’entrainement au parachutisme pour des troupes françaises et polonaises à Trapani durant le mois de juin 44. le bataillon rejoint Lido di Roma le 2 juillet 44. Huit jours plus tard, il intègre une division bâtarde commandée par Robert Frederick, la First Airborne Task Force, pour constituer le volet aéroporté de l’assaut sur le sud de la France, en compagnie du 517th PIR, du 509th PIB et du 550th GIB. Le 15 août, cette force de 9 732 hommes sautent sur la Provence. 841 de ces hommes appartiennent au 551st. Joe touche terre vers 18 h 10 près de Valbourges. Il est de la patrouille qui la première entre dans Draguignan le 15 août. Le lendemain, il capture avec une poignée d’homme tout l’Etat Major du General Bieringer dans la Villa Gladys. Jusqu’au 3 décembre, Joe et les Goyas vont combattre dans les Alpes Maritimes, protégeant le flanc droit de la 7ème Armée. Ils rejoignent Laon le 3 décembre 44.
Lorsque les allemands attaquent dans les Ardennes le 16 décembre, le 551st est placé en réserve de la 82nd Airborne et part le 19 décembre pour Werbomont. Le 27 décembre, le bataillon attaque les lignes allemandes à Noirefontaine. Il rejoint le 3 janvier la route entre Trois Ponts et Basse Bodeux. Il attaque pour prendre Rochelinval qui tombe le 7 janvier après de lourdes pertes. Joe Cicchinelli est le 5 janvier chargé de surveiller des camarades blessés entre Dairomont et Rochelinval. Les allemands surgissent et le font prisonnier. Il finira la guerre en stalag, “libéré” par les Russes, qu’il fuira pour rejoindre les lignes américaines sur l’Elbe en mars 45…

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Un ouvrage consacré au vétéran américain, Joe Cicchinelli, signé Pascal Hainaut

HOUFFALIZE Pour Joe Cicchinelli, la guerre ne s’est jamais vraiment arrêtée. Il ne se passe pas un jour, une nuit sans que les images du conflit ne viennent le hanter. Ses fréquents retours en Europe ont agi sur lui comme une thérapie.

À chaque fois que je reviens sur les pas de mes batailles, je me sens mieux. Un peu comme si une partie de moi-même était restée dans les forêts ardennaises”, narre-t-il. Quelle a été la vie de ce parachutiste américain entre décembre 1941, date de son engagement, et 1945 ? C’est la question que s’est posée le Houffalois Pascal Hainaut. Pour y répondre, il a réuni dans un livre les souvenirs et les photos de ce vétéran du 551e bataillon d’infanterie parachutée. De l’entraînement aux Etats-Unis et au Panama en passant par la Sicile, l’Italie, le Sud de la France, les Ardennes et l’Allemagne, il présente les faits marquants d’un parcours traumatisant. En décembre 44, le bataillon se trouvait près de Noirefontaine : “Nous avons ramené 6 prisonniers, détruit un halftrack et tué une trentaine d’Allemands. À la mi-janvier, lorsque la famille Cornélis revint à la ferme, elle découvrit deux corps gelés dans la neige“. Le para ne se remettra jamais d’avoir vu mourir, à ses côtés, presque tous ses frères d’armes. Au cours de la Bataille des Ardennes, le 551e subit 84 % de pertes ! Capturé le 6 janvier, Joe découvre l’horreur des camps. De retour en Arizona, l’avenir semble prometteur : une épouse, deux enfants et un emploi d’agent des postes. Mais les angoisses subsistent. “Dans ces moments de crise, il lui arrivait de monter dans sa voiture pour s’isoler, prendre la route et  rouler sans but pendant deux ou trois heures. Il suivit plusieurs thérapies et servit également comme bénévole dans un service psychiatrique destiné aux vétérans de la guerre du Vietnam.”

Le livre se referme sur une note d’espoir : le sourire du vétéran entouré de ses amis belges. Joe sera de retour en Ardennes en février. “Sur les pas d’un parachutiste américain” est vendu au prix de 28 € chez Recto Verso à Houffalize, Crozy à Bastogne et dans les librairies de Vielsalm.

N.L.

Le 551st PIB décimé, Honoré puis dissous dans la 82e Airborne

http://www.551stpib.com/newsite/presCitation.html

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